Anxiété, insomnie, agressivité, paranoïa, dépression. Des blessures de guerre ont laissé toutes ces cicatrices invisibles qui tourmentent encore Dominique Brière, 25 ans après avoir été Casque bleu de l’ONU pendant la guerre de Bosnie.

« On a atterri à Sarajevo en plein bombardement, raconte Dominique. Les traumatismes ont commencé du premier jour jusqu’à la fin. »

En 1992, après la chute du communisme en Europe, la région des Balkans, déchirée par des conflits ethniques, sombre dans une longue et cruelle guerre civile. Dominique s’y est rendu en tant que membre d’une grande force internationale de maintien de la paix mise sur pied pour protéger les civils et désamorcer la violence. La mission dans la région autrefois appelée Yougoslavie a toutefois été particulièrement difficile. Dans les missions de maintien de la paix, les blessures ne sont pas toujours causées par des tirs ennemis ou des mines terrestres, et elles ne laissent pas toujours des cicatrices physiques. La brutalité humaine à une si grande échelle marque profondément les personnes qui la voient de leurs propres yeux.

« J’ai été témoin de plusieurs massacres, et j’ai été proche de mourir, dit Dominique calmement. J’ai vécu beaucoup de stress dans une période rapprochée, ce qui a fait développer un syndrome de stress post-traumatique. »

Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est un état de santé mentale qui peut se développer quand on a été exposé à un traumatisme. Au Canada, presque une personne sur dix risque de développer le SSPT à un moment de sa vie. Le personnel militaire et les premiers intervenants sont particulièrement vulnérables. Pour des gens qui en souffrent, comme Dominique, les effets peuvent être débilitants même si les symptômes sont souvent invisibles à l’œil. Le simple fait d’être au milieu d’une foule peut déclencher une crise d’anxiété. Des cauchemars récurrents peuvent mener à l’insomnie. Des nuits blanches rendent la personne agressive, et la dépression n’est jamais loin.

« Souvent les gens ne comprennent pas, parce que ce sont des maladies invisibles; ils ne peuvent pas voir de l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur, explique Dominique. Les gens pensent qu’on fait semblant d’être malade, que ce ne sont pas de vrais problèmes. J’aimerais bien fonctionner tous les jours sans ces problèmes-là, mais chaque jour est un nouveau défi quand on a des problèmes de santé mentale. On ne sait jamais comment on va réagir dans une situation. »

Selon Statistique Canada, plus d’un million de personnes au Canada vivent avec une incapacité (déficience ou handicap) liée à une maladie mentale et, comme Dominique, 90 % de ces personnes ont aussi une incapacité physique. À cause de cette cooccurrence, comme l’appelle Statistique Canada, les personnes comme Dominique ont énormément de difficulté à trouver et à conserver un emploi, principalement parce que, pour beaucoup de gens, les personnes ayant une déficience ne peuvent pas travailler, ce qui est pourtant faux. Dominique n’a pas d’emploi depuis plus d’un an parce qu’il est occupé à travailler à sa santé et à sa qualité de vie.

En fait, dans le rapport qu’elle a publié en 2018 sous le titre Obstacles au cheminement de carrière : difficultés vécues par les personnes handicapées sur le marché du travail, la Commission a constaté que, dans l’ensemble du pays, le taux d’emploi des personnes handicapées (hommes et femmes) est considérablement plus bas que celui des personnes n’ayant pas de handicap. Pour les hommes ayant un handicap, comme Dominique, le taux d’emploi est de 49,8 %, comparativement à 77,1 % pour les hommes n’ayant pas de handicap.

Dominique ne chemine pas seul. Nala, une femelle d’un an de race chien d’eau portugais, l’accompagne et l’aide en tout temps. Entraînée par un organisme sans but lucratif qui donne des chiens d’assistance aux anciens combattants qui souffrent du SSPT ou qui sont toxicomanes, elle a récemment obtenu son diplôme de chienne de service.

Nala est spécialement formée pour détecter les problèmes associés au SSPT. Lorsque Dominique vit un état d’anxiété ou de stress, Nala le pousse ou met sa patte sur son bras. Ce simple geste distrait Dominique du déclencheur de son stress, le forçant à interagir avec elle et à se recentrer sur le moment présent.

« Depuis qu’elle est avec moi, je suis passé de quatorze médicaments par jour à quatre, et j’ai amélioré de beaucoup mon sommeil. Je n’ai plus le problème d’hypervigilance quand je me couche parce que je sais qu’elle va réagir s’il se passe quelque chose, explique Dominique, avec Nala assise à ses côtés. Ma famille et mes amis m’ont dit avoir vu une énorme différence, depuis que Nala est avec moi, sur mon stress et mon anxiété. » En entendant son nom, Nala dresse l’oreille et pousse la jambe de Dominique avec son museau.

« Oui, Nala, je parle de toi. » Un grand sourire vient aussitôt adoucir le visage de l’ancien soldat.

« Souvent les gens ne comprennent pas, parce que ce sont des maladies invisibles; ils ne peuvent pas voir de l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur. »

« Avec un syndrome de stress post-traumatique, quand on veut être fonctionnel et bien fonctionner, c’est un travail quotidien. Avec Nala, je vais travailler sur moi-même pour avoir une meilleure qualité de vie. »

L’inclusion des personnes qui utilisent des chiens de service, selon la Commission

Au Canada, les personnes handicapées ont le droit d’avoir un chien de service pour travailler, vivre et être un membre à part entière dans leur communauté, de manière digne et indépendante. La loi oblige les gouvernements, les employeurs et les fournisseurs de services à reconnaître et à respecter ce droit. Les chiens de service sont formés pour exécuter des tâches particulières en soutien aux personnes ayant un handicap, qu’il soit visible ou non. Pour favoriser l’inclusion, il suffit de laisser un chien exécuter sa tâche sans le déranger.


En 2018, la Commission a donné son avis sur le projet de loi du gouvernement fédéral nommé Loi canadienne sur l’accessibilité — laquelle responsabilise proactivement l’ensemble des institutions et « organismes sous l’autorité législative du Parlement » pour éliminer les obstacles pour toute personne, spécialement celles ayant des handicaps visibles et non visibles. Tout au long de l’année, la présidente, Marie-Claude Landry, a exprimé publiquement de l’enthousiasme à l’égard de cette loi et son souhait de la voir adoptée pour faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
En 2018, en prévision de l’entrée en vigueur de cette loi, la Commission a amorcé une étroite collaboration avec d’autres organisations fédérales qui joueront un rôle dans le règlement des plaintes liées à l’accessibilité. Ensemble, nous sommes déterminés à faire passer la personne avant le processus. En appliquant une approche « sans fausse route », nous agissons pour que les personnes voulant porter plainte pour un problème d’accessibilité soient dirigées rapidement et facilement vers la bonne organisation.